« Une rencontre d’information publique suivie d’une enquête publique ouvrant la voie à une étude d’incidences environnementales préalable au dépôt d’une demande de permis de construction pour deux lotissements à Beyne-Heusay ». Voilà le début du scénario – touffu et un peu obscur – d’un nouvel épisode à grand spectacle dans la saga « La Guerre du Ry-Ponet ».
Comme cette saga est déjà longue et complexe, il vaut mieux, pour comprendre les nouveaux épisodes et les apprécier pleinement, revenir un peu en arrière aux origines lointaines.
Épisode I – L’Empire Neufcour attaque
« Il y a bien longtemps, dans notre galaxie et sur notre planète », le Pays de Liège et le Pays de Herve étaient parsemés de dizaines de charbonnages et sillonnés de galeries souterraines. Ces petits charbonnages se sont peu à peu concentrés aux mains de grandes sociétés, comme les Charbonnages de Wérister sur le site du Ry-Ponet et aux alentours.
A la fermeture des charbonnages dans les années 1960, les Charbonnages de Wérister donnent naissance à la Compagnie Financière de Neufcour qui devient propriétaire de tous les terrains de surface. Le hasard faisant bien les choses (et les contacts discrets auprès des décideurs publics les améliorant encore), une grande partie de ces terrains est alors étiquetée comme zones constructibles (« Zones d’habitat ») au Plan de Secteur adopté en 1987. Ces terrains acquièrent ainsi une valeur beaucoup plus grande que ceux rangés en zones agricoles ou forestières dans ce même Plan.
La Compagnie de Neufcour conserve une partie de ses terrains sur lesquels elle construit des lotissements (par exemple autour du Château de Wérister à Fléron)… ou tente de le faire (comme sur le site des Haïsses-Piedroux à Chênée où son projet de méga-lotissement de 520 logements est bloqué en juin 2017 par une large mobilisation de la population).
La Compagnie de Neufcour vend aussi une autre partie de ses terrains à d’autres sociétés, notamment en 2000 à la société anversoise ‘La Planète Verte’ (quel nom merveilleusement adapté à cette saga !). Aujourd’hui, La Planète Verte possède encore trois terrains sur le site du Ry-Ponet : autour de la ferme Sainte-Anne, sur une partie de la rue Sainte-Anne et au lieu-dit Chat Pirard (derrière la maison communale de Beyne-Heusay). Et c’est là, sur un de ces terrains, que se déroule depuis trois ans le deuxième épisode de la saga.
Épisode II – La bataille de la Ferme Sainte-Anne
Fin 2018, la Plateforme Ry-Ponet lance l’idée de créer une coopérative pour acheter la Ferme Sainte-Anne et y développer un programme de réhabilitation du lieu . Le succès est au rendez-vous mais l’envol de notre projet est brutalement stoppé en octobre 2019 lorsqu’un promoteur de Malmedy, Mathieu Scheen, nous apprend qu’il a acheté la ferme. Après nous avoir assuré qu’il appréciait beaucoup notre projet, le promoteur nous propose de le réaliser ensemble.
La première rencontre dissipe tout malentendu. Mathieu Scheen nous explique qu’il est prêt à reprendre certaines de nos idées mais dans une démarche nettement plus commerciale puisque la ferme doit être rentable par ses propres activités. Et surtout il nous annonce qu’il a également acheté les deux autres terrains mis en vente par la Planète Verte, qu’il souhaite y construire deux lotissements et qu’il nous propose en fait de relancer la ferme à condition que nous le soutenions dans ses démarches pour la réalisation des lotissements. De cela, il n’en est évidemment pas question pour nous, ce que nous lui faisons savoir rapidement.
En février 2020, Mathieu Scheen présente ses projets de lotissements au conseil communal de Beyne-Heusay et y clarifie l’organisation chronologique de leur réalisation :
- Demande de permis pour la transformation de la Ferme Sainte-Anne (et obtention de celui-ci);
- Demande de permis pour les deux lotissements Sainte-Anne et Chat Pirard (et obtention de celui-ci);
- Construction des deux lotissements;
- Transformation de la ferme.
L’affaire paraît lancée mais, au fil des mois, le vent tourne peu à peu. Les prises de position en faveur d’un Parc du Ry-Ponet se multiplient. L’idée de refuser l’urbanisation de nouvelles zones du futur parc gagne peu à peu du terrain dans les esprits. En novembre 2020, Liège Métropole réaffirme son soutien à cette perspective et lance un appel à des bureaux d’études pour la réalisation d’un rapport sur l’avenir du site du Ry-Ponet.
Tout cela n’arrête pas Mathieu Scheen. En octobre 2020, il dépose une demande de permis pour la transformation de la ferme. L’aspect essentiellement commercial de ce projet suscite une vague d’inquiétude et d’opposition dans la population qui s’exprime lors de l’enquête publique en janvier 2021. Ce sont 3.200 courriers qui aboutissent au service d’Urbanisme de la Commune de Beyne-Heusay, du jamais vu! Les communes voisines et concernées par le projet de parc, à savoir Liège, Chaudfontaine et Fléron, marquent aussi leur désapprobation face à la démarche du promoteur, voire leur opposition claire au projet présenté.
Le projet de transformation de la ferme exigeant une modification de voirie rue Sainte-Anne, la première étape d’examen de ce projet nécessite un débat et un vote du Conseil communal. Le Collège décide de ne pas travailler dans l’urgence et d’attendre la publication du rapport du bureau Caneva-s (choisi entretemps par Liège Métropole) avant de débattre de la question. Le bourgmestre tente de convaincre Mathieu Scheen du bien-fondé de cette démarche et lui demande de suspendre provisoirement ses projets, le temps que l’étude soit réalisée et que Liège Métropole prenne une décision. Celui-ci marque finalement son accord sur le « gel » du dossier. Mais, quelques jours plus tard, il dépose unilatéralement un recours auprès de la Région wallonne contre la (non-)décision de la commune (le respect de la parole donnée semble être un pur concept chez certains…). Mal lui en prend, son recours est déclaré irrecevable en août 2021.
L’examen du projet de transformation de la Ferme Sainte-Anne reste donc gelé et le deuxième épisode paraît l’être tout autant.
C’est compter sans un nouveau rebondissement en décembre 2021. Mathieu Scheen remet en vente la ferme, pour un prix considérablement augmenté. Ce qui annonce certainement un nouvel épisode, à une date encore indéterminée.
Épisode III : Le retour de La Planète Verte
On aurait pu croire que la saga tout entière allait passer en mode ralenti dans l’attente du rapport du bureau Caneva-s mais c’est mal connaître l’obstination de Mathieu Scheen et de ses associés.
L’annonce de l’ouverture d’un nouvel épisode se fait dans la discrétion mais ne contient pas la moindre ambiguïté. En juin 2021, Maître Bernard Pâque, avocat indiquant représenter conjointement la Société Financière de Neufcour, la Planète Verte, Mathieu Scheen et un agriculteur, Jean-Marie Léonard, envoie un courrier à Liège Métropole, aux bourgmestres des quatre communes directement concernées par le site du Ry-Ponet ainsi qu’à plusieurs ministres wallons.
Dans ce courrier, il tient à « rappeler que l’adoption d’un plan-masse ou d’un schéma directeur (non prévu par la législation – CoDT), tel qu’il est envisagé en l’espèce, n’a aucune incidence sur l’affectation du plan de secteur, lequel a valeur réglementaire. En d’autres termes, l’adoption d’un plan de masse ne peut avoir pour effet de modifier les affectations – résidentielle, agricole et de loisirs – actuelles du site » et que « En l’espèce, l’adoption du plan de masse et les intentions qu’on lui prête aujourd’hui s’inscrit en contradiction avec le plan de secteur et ne pourrait acquérir aucune valeur juridique. »
Ce message est assez étonnant dans la mesure où personne n’a jamais émis l’idée saugrenue que l’adoption d’un masterplan (schéma directeur) pour le Ry-Ponet allait pouvoir, d’un coup de baguette magique, transformer le Plan de Secteur. Mais, en réalité, ce qui gêne profondément ces associés du moment, c’est la crainte que l’urbanisation de certains terrains considérés comme constructibles dans un Plan de Secteur vieux de 35 ans, puisse être considérée aujourd’hui comme non souhaitable et que des communes ou la Région prennent des mesures pour « geler » la situation actuelle et empêcher l’urbanisation de ces terrains.
Dit autrement, ce courrier d’avocat signifie donc « Dans cette galaxie et sur cette planète, le droit de propriété et le Plan de Secteur doivent être les seuls guides que vous devez suivre. Prendre en compte les grands enjeux environnementaux, climatiques et agricoles de demain est inutile et ne peut vous mener que du côté obscur de la Force ».
Nous ne savons pas si ce courrier a impressionné quelqu’un mais il faut reconnaître qu’il annonce clairement ce qui va suivre. Car, six mois plus tard, fidèle au déroulé chronologique présenté par Mathieu Scheen devant le Conseil communal de Beyne-Heusay, le nouvel empire passe à la deuxième phase de son plan. Il se met en mouvement et avance ses troupes : en décembre 2021, les sociétés “La Planète Verte” et “Ingeo ” (cette dernière étant gérée par M. Scheen) lancent officiellement la procédure en vue de construire deux lotissements rue Sainte-Anne et à Chat Pirard. Ce projet sera présenté lors d’une séance d’information publique le 17 janvier 2022.
En entamant la procédure pour la construction de deux lotissements, La Planète Verte, propriétaire des terrains et Mathieu Scheen, promoteur immobilier, rompent une nouvelle fois le moratoire qu’ils avaient convenu avec le Bourgmestre de Beyne-Heusay, ce qui irrite légèrement celui-ci, comme relayé dans l’article paru le 22 décembre 2021 sur le site RTBF.be.
Il est certain que la Plateforme Ry-Ponet sera représentée à la réunion d’information pour prendre connaissance de l’avant-projet de lotissements qui sera présenté et de la suite à donner.
Et vous, vous souhaitez être informé et réagir ? Suivez assidûment nos communications dans les jours et les semaines qui viennent … Inscrivez-vous à notre newsletter.
Vidéo & visuels à partager sans modération (Envoyez-nous les vôtres si cela vous inspire!)
Enregistrez-vous à la NEWSLETTER de la Plateforme Ry-Ponet pour être tenu au courant de la suite de ce fameux dossier ainsi que de l’actualité du Parc paysager du Ry-ponet