Ancienne gare de Beyne

Une petite gare témoin d’une grande aventure

C’est un petit bâtiment situé à Beyne-Heusay, Avenue de la Gare. Avec un nom de rue aussi évocateur, il est facile de deviner de quoi il s’agissait. Mais il est bien plus difficile d’imaginer l’importance qu’avait cette gare et la taille de ses infrastructures. Faisons un saut de 150 ans dans le passé pour découvrir son histoire.

Sa localisation au point kilométrique 9 de la ligne 38

Beyne n’était pas encore associé à Heusay quand a été décidé le tracé d’une nouvelle voie ferrée reliant Chênée à Plombières, qu’on appellera par la suite la ligne 38. La portion de ligne passant à Beyne a été inaugurée le 15 juillet 1872.

Pour servir de gare, un bâtiment a été érigé au point kilométrique 9, juste au-dessus du passage à niveau N°10 (PN10) qui assurait la jonction « rue de la Station – rue Sainte-Anne ».

Un bâtiment typique de la ligne 38

La gare est un petit bâtiment rectangulaire et étroit de deux étages (les deux ailes latérales d’un étage ont été ajoutées par la suite). La toiture en pente était autrefois recouverte de zinc. Quant à la façade, elle est en briques et a été recouverte d’enduit. Elle est divisée en trois parties par des pilastres [1]. Les pignons latéraux sont percés d’un oculus [2] au-dessus du nom de la gare. Il s’agit d’un ajout tardif car certaines cartes postales montrent la gare sans oculus. Les ailes latérales ont sans doute été ajoutées pour faire face à l’accroissement du nombre de voyageurs (salle d’attente, toilettes) et offrir davantage d’espace au chef de gare et à sa famille.

L’architecture de la gare est issue du plan type PLAN-TYPE 1873 de l’État belge qui était fréquemment rencontré sur cette ligne. Comme pour les gares de Fléron, Micheroux, et Battice, les portes et fenêtres sont entourées d’un encadrement en relief épais (appelé larmier) surmonté d’une clé au centre en surplomb.

Ancienne gare de Micheroux devenue le « Huggy’s Bar » et ancienne gare de Battice aujourd’hui démolie.

Un sacré trafic lié notamment à la proximité d’un des plus gros charbonnages de la région

La proximité de la gare de Beyne avec le charbonnage de Wérister va lui faire connaître une intense activité pour le transport de marchandises, activité qui la portera jusqu’au statut de gare de « deuxième catégorie » [3].

La locomotive de Wérister, une des dernières locomotives vapeur privées à pénétrer dans une gare SNCB, 1978.© Georgy Lejeune

Si le charbonnage de Werister est son principal client, la gare assure aussi la distribution de la production d’une entreprise spécialisée dans la vente de métaux (barres à béton) Euro-Etilam [4] qui est située sur le site du charbonnage de Cowette-Rufin. La gare est également connectée à la gare privée du charbonnage du Homvent, qui se trouve environ un kilomètre plus bas de l’autre côté de la Route Nationale N°3 sur laquelle circulait des lignes de tramway.

Une multitude de voies et une bosse de triage

Outre les deux voies principales de circulation, la gare de Beyne possède un faisceau de quatre voies à double-issue qui s’étendent sur toute la longueur entre les passages à niveaux 10 (rue Sainte-Anne) et 11 (rue de Romsée) distants de plus de 400 mètres.

Situation en 1950 (B.R. = bâtiment des recettes ; PN = passage à niveau).
Plan du Ministère des Travaux publics, 1950, consultable sur WalOnMap.
En comparant la situation de 1950 avec une photographie actuelle, on constate que toute l’emprise a été réutilisée comme Recyparc mais les lignes s’étendaient bien plus loin à droite, jusqu’à la rue de Romsée. Image ©2020 Google.

Côté Bois-de-Breux, le faisceau se termine par ce qu’on appelle un tiroir de manœuvre, doté d’une bosse de triage régulièrement utilisée, surtout au temps de la vapeur. Cette voie sert essentiellement au débranchement des wagons, mais aussi comme piste d’élan des « vapeurs » pour pousser en force les rames vers la houillère.

Une rame sur la bosse de Beyne, la seule de toute la ligne, 1984. © Georgy Lejeune
Des traces du muret de cette rampe sont toujours visibles de nos jours.

De nombreux cheminots pour encadrer tout ce trafic

C’est un personnel nombreux qui assure toutes les activités de la gare : un chef de gare, deux commis, deux gardes excentriques, deux gardes-barrières, deux manœuvres et un porteur d’avis, mais également un inspecteur du matériel roulant qui est attaché à demeure à la gare. Les responsabilités de ce dernier sont énormes : il doit veiller au bon fonctionnement des freins avant d’expédier un train vers la vallée.

Sauvée de la démolition grâce à un nouvel usage

Avant même le passage du dernier train qui aura lieu en 1986, une partie du bâtiment des recettes connaît de 1970 à 1989 une utilisation originale : loué par la commune, il devient une école maternelle. Le premier étage, quant à lui, est loué par une communauté musulmane, qui l’utilise comme mosquée.

Chasse-neige devant la gare de Beyne, 1985. © Georgy Lejeune

En 1990, le terrain de la gare de Beyne est libéré de ses rails. La commune de Beyne-Heusay rachète la gare en 1994 et l’aménage pour abriter son service des travaux.

Grâce à sa reconversion, la gare de Beyne est une des rares de la ligne à avoir échappé à la démolition [5]. D’autres reconversions liées quant à elles à la présence du RAVeL créé en 2004 (restaurants et office du tourisme) ont permis de préserver les gares de Retinne, de Micheroux et de Herve.

Un signal à l’entrée du Parc

La présence de ce bâtiment et ses abords, chargés d’histoire, à une des portes d’entrée du Parc du Ry-Ponet est remarquable. Espérons que la reconnaissance du Parc du Ry-Ponet offrira l’opportunité de mieux mettre en valeur ce témoignage du passé ferroviaire et industriel de la région.


[1] Un pilastre est un support rectangulaire terminé par une base et par un chapiteau. Le pilastre est encastré dans un mur, tandis que la colonne est un élément isolé. La fonction du pilastre est uniquement décorative, il n’est qu’adossé à un mur porteur. Extrait de la définition de pilastre selon Wikipedia.

[2] Un oculus est une ouverture pratiquée dans la voûte des églises ou dans les combles (dernier étage, généralement constitué d’un grenier) d’un bâtiment. Extrait de la définition d’oculus selon Wikipedia.

[3] Expliquer les catégories de gare

[4] L’entreprise Euro-Etilam s’appelait Graindorge jusqu’en 1969.

[5] Proches de notre Parc, les gares de Vaux-sous-Chèvremont, de Bois-De-Breux et de Fléron ont été démolies.


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Pour aller plus loin

FUNKEN Didier et LEJEUNE Georgy, La Ligne 38, 2006.

Un peu d’histoire, site internet de la commune de Beyne-Heusay.

La Gare de Beyne selon Wikipedia.

La gare de Beyne (5 vues) dans Les gares belges d’autrefois.