Voilà certainement la réaction que Mathieu Scheen, administrateur de la société INGEO, aimerait entendre de la part des personnes qui auraient visité le nouveau site internet “Les Jardins de Beyne” destiné à faire la publicité de ses deux projets de lotissements à Beyne-Heusay réalisés pour le compte du propriétaire, la société “La Planète Verte”.
Le sous-titre « Un projet évident » traduit d’ailleurs cette belle confiance dans la qualité de son produit, gratifié de quelques autres formules respirant à pleins poumons le contentement, telles que « innovant par son ambition environnementale élevée et par la participation citoyenne qu’il propose » et « proposant des logements dans un cadre enchanteur ».
Si c’est le premier site immobilier que vous consultez, reconnaissons-le, il est attrayant et donne peut-être envie de mettre la main au portefeuille pour aller acheter toutes affaires cessantes son petit coin de paradis.
Si ce n’est pas le cas et que vous avez déjà consulté d’autres sites vantant des projets de lotissements, l’enthousiasme sera sans doute un peu moins au rendez-vous. En fait, le site du projet “Les Jardins de Beyne” est exactement comme tous les autres. On peut même dire qu’il aligne tous les poncifs obligatoires. Avez-vous déjà vu une publicité pour un tel projet qui ne mette pas en avant « un quartier durable », « dans un cadre remarquable », « conçu selon une vision d’ensemble du territoire », « avec une forte dimension paysagère », « répondant aux défis environnementaux et climatiques » et, cerise sur le gâteau, « reposant sur une forte gouvernance participative » ?
Le projet des « Jardins de Beyne » ne fait pas exception à la règle. On peut même dire qu’il coche toutes les cases des belles promesses.
Dans la mesure où cette version du projet ressemble comme deux gouttes d’eau à celle que cette même société (quand elle portait encore le nom de société Scheen-Lecoq) avait présentée au Conseil communal de Beyne-Heusay il y a deux ans, nous ne reprendrons pas les nombreuses questions et critiques que ce projet soulève, que nous avions publiées à l’époque et qui gardent toute leur pertinence aujourd’hui, et nous nous contenterons de jeter un œil sur la manière dont le projet est présenté sur le site internet.
Schéma global : pas de bouchons mais de la réversibilité ?
En introduction, un « Schéma global » agrémenté du sous-titre « De nombreux avantages » donne une série d’informations matérielles sur le projet. On sent une volonté de montrer que toutes les planètes sont alignées pour faire de ce projet une pure merveille…. et éviter toute question un peu gênante.
Par exemple, il y a bel et bien « une ligne de bus dans un périmètre de 700 mètres » des lotissements, comme mentionné. Et il y a même beaucoup plus que les « 20 passages par jour » annoncés (les concepteurs du projet ont-ils seulement pris la peine de faire un relevé des horaires de cette ligne ou cette question des transports en commun est-elle purement superflue pour eux ?). Mais est-ce une réponse suffisante aux questions sur la mobilité que provoquerait la construction de 275 logements ? De ce point de vue, on peut être frappé qu’il n’y ait pas un mot pour évoquer la manière dont 450 voitures (une estimation raisonnable, vu le type de logements annoncés et le profil familial et financier prévisible des habitants) pourraient s’insérer matin et soir (et entre deux) dans les rues étroites les séparant de la seule voie de communication du quartier avec le reste de la région liégeoise (N3 Liège – Herve) déjà particulièrement chargée en trafic.
Certaines formulations semblent être là essentiellement pour montrer que ce projet respecte les consignes d’urbanisme de la Région wallonne, quitte à plonger le lecteur dans l’incompréhension la plus profonde. Au point consacré aux ressources, que peut bien signifier, après les promesses d’ensoleillement et d’utilisation d’énergie renouvelable, la « réversibilité des aménagements » ? Sera-t-il possible à l’avenir de transformer un des logements en quincaillerie ? De modifier une route pour en faire une piste de skateboard ? De faire fleurir un espace goudronné ? A moins que la société de Mathieu Scheen se propose d’employer un nouveau type de béton programmé pour se transformer en champ d’orge au bout de cinq ans ?
Projet d’urbanisation : pourquoi être précis si le but est de séduire ?
Le « Projet d’urbanisation» des deux lotissements, obéit à la même logique – mais en plus audacieux encore.
Prenons par exemple la fiche consacrée au lotissement de la rue Sainte-Anne. Des « Intentions » essentiellement factuelles (quoique parfois très éloignées de la réalité du projet) et quatre points mis en évidence par une petite photo et une formule-choc. Si « Superficie : 5 hectares » et « Relief : plat à faiblement accidenté en bout des terrains situés à l’Ouest de la rue Sainte-Anne » ne prêtent pas à discussion, il n’en va pas de même des deux autres.
A la rubrique Environnement, l’existence d’une « haie vive remarquable mixte le long de la rue Sainte-Anne » est mise en avant. Le problème, c’est que, derrière cette haie, se trouveraient au minimum… 55 maisons unifamiliales, chacune avec leur entrée de garage, c’est-à-dire 55 trous successifs de 3 mètres de large dans la magnifique « haie vive remarquable ». A ce tarif-là, la haie deviendra très vite une vague succession de buissons rachitiques, pour autant que ceux-ci aient survécu au passage des excavatrices, bétonneuses et autres débroussailleuses.
Et à la rubrique Paysage, le site est présenté comme « ouvert avec points de vue remarquables sur le bassin liégeois ». C’est effectivement le cas aujourd’hui. Mais, avec un long ruban de 110 logements et 4 immeubles à appartements, la situation en serait complètement changée. Pour les autres habitants du quartier et les nombreux promeneurs tout d’abord, qui auraient, à partir des trottoirs de la rue, une vue imprenable sur deux rangées de maisons et le droit de se dévisser le cou pour tenter d’apercevoir, entre les blocs d’habitations, ce qu’étaient les paysages et les « points de vue remarquables » vantés par la société de Mathieu Scheen. Mais aussi pour les amoureux du site qui le contemplent depuis de nombreux endroits de l’agglomération et qui n’auraient plus qu’à constater le massacre qu’un promoteur aurait fait subir à ce paysage remarquable.
Tout cela n’empêche absolument pas le promoteur de clôturer la présentation avec deux photos parfaitement trompeuses. D’une part, une rue Sainte-Anne imaginaire, qui serait doublée d’une piste cyclable, de buissons généreux et d’une haie florissante… qui nécessiteraient à vue de nez de doubler, voire tripler la largeur de cette rue, ce qui est complètement impossible et donc tout à fait mensonger. Et, d’autre part, un ensemble de blocs d’appartements, alignés comme à la parade le long de zones de repos et de détente, qui évoquent davantage des bords de mer sur la côte croate que le relief et le tracé de la rue Sainte-Anne.
Ce ne sont là que quelques exemples – nous en gardons d’autres pour de prochaines livraisons – mais nous ne sommes guère surpris de constater que, comme pour le projet de transformation de la Ferme Sainte-Anne, déposé l’an dernier par la société Scheen Project (autre société dont Mathieu Scheen est gérant), nous assistons à nouveau à un grand numéro d’enfumage….
Espérons que la réunion d’information publique destinée à présenter ces « Jardins de Beyne » permette d’en savoir davantage sur le projet. Mais on peut imaginer sans peine qu’il faudra pour cela que les participants arrivent à percer le brouillard soigneusement entretenu par la société de Mathieu Scheen sur les véritables conséquences de ce projet : le saccage d’une dizaine d’hectares de terres agricoles et d’espaces verts au centre du parc du Ry-Ponet pour des projets purement commerciaux.